mardi 8 septembre 2009

Trois femmes puissantes, de Marie Ndiaye

Trois femmes puissantes raconte la solitude. Celle de trois femmes qui se battent en silence contre une existence, un homme, un destin.

La première, Norah, retourne au Sénégal après des années d’absence pour répondre à l’appel de son père, un homme distant et froid qu’elle connaît bien peu. Elle laisse derrière elle son métier d’avocate, sa vie de famille qui ne lui convient plus, sa fille qu’elle adore, ainsi que l’homme qui partage sa vie et qu’elle a appris à mépriser. Elle quitte la France pour retourner à ses racines, pour tenter de comprendre, de poser des mots sur ce malaise qu’elle porte en elle depuis l’enfance.
Fanta, jeune professeur de lettres dans un lycée sénégalais, suit son mari en France pour commencer une nouvelle vie. Elle croit que son insertion se fera en douceur, puisqu’elle est mariée à un français. Elle croit qu’elle pourra enseigner, qu’ils vivront heureux comme ils l’ont toujours fait, avec leur petit garçon. Mais son mari, davantage préoccupé par sa honte et son désir de fuite, s’est bien gardé de lui expliquer que son diplôme ne vaut rien dans ce nouveau pays. Elle se retrouve tributaire d’un homme absent, rongé par la culpabilité, qui ne ressemble plus à l’homme qu’elle adorait et pour lequel elle a tout quitté. Elle se mure dans le silence et lui offre son indifférence, puisqu’il lui a pris sa vie.
Khady Demba est veuve. Son mari est mort sans qu’elle ait pu être enceinte. Elle se retrouve du jour au lendemain sans ressource, sans famille, sans appui. Elle est recueillie par sa belle-famille, qui la méprise et lui en veut de n’avoir pas su enfanter. Un soir, sa belle-mère lui ordonne de partir, de tenter le passage de la frontière française pour y retrouver une lointaine cousine, et ainsi envoyer de l’argent à la famille, au Sénégal. Commence pour Khady une vie d’humiliations, de souffrances et de luttes, une existence où tout n’est que trahison, où chaque rencontre l’éloigne de son but et la laisse diminuée, blessée à jamais.
Ces femmes sont seules, elles se débattent dans leurs contradictions et luttent à leur manière contre le mensonge et la trahison. Elles sont seules, mais le récit les rapproche. Des détails, des personnages leur sont communs et créent des liens de parenté entre elles, les rendant en quelque sorte moins seules dans leur quête d’un bonheur qu’elles savent inatteignable.

Trois femmes puissantes est un recueil de trois récits à cheval entre la France et le Sénégal. Chacune de ces femmes part, arrive ou revient. C’est un récit de mouvement, mêlant deux cultures, deux façons d’exister. Les personnages sont tiraillés par le doute, proches de l’égarement.
Marie Ndiaye, elle-même fille d’un père sénégalais et d’une mère française, raconte avec précision le choc des cultures, la vie sur chacun de ces deux continents, les mœurs et les coutumes propres à ces cultures très éloignées l’une de l’autre.
Si les événements et les trois différents récits attirent le lecteur par leur intensité, leur force, et leurs sujets en liens étroits avec l’actualité, l’écriture de Marie Ndiaye peut paraître complexe, opaque et exagérément sinueuse. La longueur des phrases, l’absence de verbe parfois ou de fil conducteur montre évidemment la complexité des personnages, le cheminement de leurs pensées, brouillées et profondément blessées. Mais ces particularités syntaxiques peuvent également dérouter le lecteur, et par là même faire perdre de sa force au récit, pourtant profond et intense.

Trois femmes puissantes,
Marie Ndiaye. Gallimard, 316p., 19 euros.

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