mercredi 24 octobre 2012

Sentimento


Un pantin sentimental

Carl Norac, écrivain et poète d'origine belge, et Rébecca Dautremer, illustratrice de livre pour la jeunesse, se sont associés pour nous raconter l'histoire de Sentimento, une grande marionnette bleue à la forme humaine.

Le récit commence avec monsieur Stein, un homme seul qui fabrique des marionnettes pour son plaisir. Après des essais infructueux, le marionnettiste décide de créer un pantin à son image. Mais avant qu'il n'ait pu terminer son œuvre, le pantin prend vie et monsieur Stein se retrouve face à un être repoussant et inachevé : « c'est le monstre ». Le pauvre Sentimento, rejeté par son créateur, décide de partir pour découvrir et essayer de trouver des personnes qui pourraient l'aimer. Malgré ses efforts notre marionnettiste bleue effraie tout le monde et n'a pas d'autre choix que de s'enfuir. La rencontre d'une petite fille nommée Selma va cependant la bouleverser et lui redonner confiance. Malheureusement, la confiance qu'il éprouve pour la première fois le mènera à sa perte...

Cette histoire un peu cruelle nous montre les conséquences que peuvent avoir sur un être le rejet et la solitude. Sentimento est en quelque sorte un nouveau né qui ne connait rien et n'a encore jamais rien ressenti; c'est un ingénu; il ne peut donc pas savoir que l'être humain n'a pas toujours la place dans son cœur pour accueillir un étranger. 
Les illustrations douces et chaudes de Rebecca Dautremer, englobent complètement le livre, et représentent avec une grande finesse la peur et  la solitude des personnages : le regard semble avoir une grande importance dans les dessins et l'illustratrice exprime la solitude en cachant les yeux de Sentimento.

Ce livre merveilleux, aux illustrations pastels, presque poétique peut plaire aussi bien aux adultes qu'aux enfants. Néanmoins, c'est un livre qui peut être difficile à comprendre pour les petits et l'intervention d'un adulte semble s'imposer.

Flora Meynadier


Sentimento, texte de Carl Norac
et illustrations de Rébecca  Dautremer
Les éditions bilboquet, 2005

Le Livre des trous


DES P'TITS TROUS, TOUJOURS DES P'TITS TROUS…

Trous noirs, trous de mémoire, trous de serrure… Notre monde est criblé de trous !



Dans ce documentaire paru en 2006 aux éditions Nathan, monsieur Trou nous dévoile sa collection de… trous ! Il en possède une quantité monstre, que ce soit dans la nature, le corps humain, les expressions françaises et dans bien d’autres domaines !
Ce livre convient principalement aux petits curieux âgés de sept à dix ans, mais les plus grands peuvent tout autant l’apprécier ! Il est assez volumineux (96 pages) et les textes sont écrits en petits caractères, cela peut rebuter les moins férus de lecture… Mais la mise en page est attrayante : les double-pages sont assez différentes les unes des autres, tout en gardant une cohérence graphique. Cela permet au lecteur de ne pas s’ennuyer. Il sera ravi de découvrir tous les trous qui l’entourent grâce aux illustrations pétillantes et pleines d’humour de Rolland Garrigue, qui a notamment travaillé pour Actes Sud Junior et le Seuil Jeunesse, et aux explications claires, concises et précises de Claire Didier. Bien entendu, le fond ne serait pas grand chose sans la forme qui le met en valeur : l’album est troué, complètement, de la couverture à la quatrième de couverture (on peut passer son doigt !) et certaines feuilles à l’intérieur sont percées, laissant apercevoir la page suivante. Bref, des trous, toujours des trous ! L’auteur, grâce à ce prétexte, réussit à regrouper des thèmes très différents, rendant l’album particulièrement original.
Je vous conseillerais donc de TROU-ver au plus vite cette petite perle afin de l’offrir aux enfants qui veulent apprendre en s’amusant.

Le Livre des trous, Claire Didier, illustré par Roland Garrigue.
Éditions Nathan, 2006
16,50€

La poésie de Rébecca Dautremer

L'amour, qu'est ce que l'amour ? Beaucoup de questions, un peu de magie, le tout saupoudré de beaucoup de poésie nous répond Rébecca Dautremer dans cet album, lauréat du prix Sorcières 2004.

Ernest embête tout le temps Salomé dans la cour de l'école. La maman de Salomé, au courant de ses mésaventures, suggère qu'Ernest cherche à devenir son amoureux. Amoureux ? Ce mot inconnu engendre une foule d'interrogations pour cette petite fille et sa bande de copains.

L'auteur traite en toute innocence tous les à-priori qu'ont les jeunes enfants sur l'amour : tomber amoureux, c'est comme tomber à vélo ? L'amour, ce n'est que pour les grands ? Les textes sont courts et compréhensibles par les plus jeunes mais ne sont pas pour autant dénués de poésie. Ils consistent en majorité en des dialogues, uniquement entre Salomé et ses camarades de classe. La simplicité des textes mettant en scène plusieurs voix, toujours enfantines, nous donne l'impression de pénétrer réellement dans l'univers des enfants. Les petits s'identifieront immédiatement aux personnages et trouveront les réponses à beaucoup de leur question. Les parents quant à eux ne pourront s'empêcher d'être touchés.
Cependant le texte n'est pas le seul point positif de ce livre. Rébecca Dautremer est surtout connue pour ces illustrations qui ont la réputation de plaire autant aux enfants qu'aux parents. Elles sont omniprésentes dans cet album où tous les dessins s'étendent sur une double page et au travers desquels l'auteur exprime tout son talent. Elle nous plonge dans son univers poétique et enchanteur. Les couleurs sont dans les ton roses et rouges afin de rester dans le thème de l'amour qui est au coeur de l'histoire. Les fonds blancs de certains dessins accentuent l'impression de pureté et d'innocence qui se dégage de l'album entier.

N'hésitez pas à lire cet album à vos enfants pour répondre tout en douceur à leurs questions sur l'amour et leur faire découvrir un univers merveilleux. Néanmoins, soyez prévenus, vous aurez ensuite envie de retomber amoureux voire d'avoir de nouveau huit ans.

L'Amoureux de Rébecca Dautremer, édition Gautier Languereau

La rencontre entre Daniel Pennac et Antonin Louchard


C'est avec ce titre que Daniel Pennac s'essaie pour la première fois au genre de l'album. Mais, il lui fallait un illustrateur à son niveau pour entraîner les petits (et les grands !) dans son joyeux monde décalé. Antonin Louchard rejoint donc son ami pour nous offrir ce titre : Sahara.

Sahara nous fait découvrir un jeune garçon, venant de prendre conscience que le moindre de ses mouvements a un impact sur les atomes qui l'entourent. Refusant de les déranger, il décide donc de ne plus bouger.
Avec l'aide de son grand frère, le lecteur est invité à comprendre ce que vit le petit garçon, ce à quoi il pense et ce dont il rêve.

« Quand je serai grand, répondit le petit, je veux être Désert. »
Daniel Pennac propose un texte court, mais efficace. le lecteur suit avec fascination l'histoire poétique de ce garçon qui refuse de gêner l'univers. La patte de Pennac est bien ici, dans ce petit bout d'homme un peu perdu dont le but est de devenir un désert, un grain de sable à peine plus grand qu'un atome qui se déplace au gré du vent.
On se demande tout de même si les petits de 6 à 10 ans seront à même de saisir la sensibilité de ce personnage un peu lunaire. Les écrits de Pennac ont pour habitude de viser un public plus adulte.

Mais, de toute façon, ce qui attire le jeune lecteur vers cet ouvrage n'est pas le prestige du nom de Pennac, mais les illustrations. Car, la vraie star est en fait Antonin Louchard. Le travail de ce dernier est bien plus mis en avant que le texte, de par la taille des illustrations. Elles font plus d'une page et demi sur une simple double page.
Ses dessins, faits à la gouache, sont véritablement adaptés aux petits, avec un tracé épuré mais recherché. Ses illustrations diffèrent d'ailleurs grandement de celles que l'on a pu voir dans ses autres titres. Peut-être est-ce parce que Sahara est le premier titre de Louchard destiné à la jeunesse ? Ses derniers dessins nous ont plutôt familiarisé avec la technique du feutre au tracé plus net et à la colorisation plus franche.

Sahara est l'album parfait à lire à ses enfants avant l'heure du coucher. Les petits s'émerveilleront devant ces couleurs, et les grands s'émouvront sur le joli rêve de ce jeune héros pas ordinaire.


Sahara, texte de Daniel Pennac et illustrations d'Antonin Louchard
Coédition Éditions Thierry Magnier et Folies d'Encre, 32 p., 11,50 €

« Bébé fait ses dents », et après ? Rapport secret sur les dents de lait.


« Bébé fait ses dents », et après?

La poussée des petites dents, les pleurs, la croissance des canines immaculées, des molaires déterminées et la grande peur ­— l’angoisse même — de les voir tomber. Ce qui se passe dans la bouche de bébé passionne! Consoler, rassurer, expliquer… Heureusement qu’il existe une spécialiste. C’est la Petite Souris qui prendra bien soin des dents tombées qu’on a confiées à l’oreiller, qu’elle a vite emportées. Ouf, sauvés !


Mais qui est réellement la Petite Souris? Est-elle vraiment si sympathique? Qu’en pense les dents de lait? A quoi passent-elles d’ailleurs leurs journées, dans l’obscurité buccale? «Une question se pose: Que peut bien faire la petite souris de toutes ces dents de lait?» Yann Fastier ouvre l’enquête !

Rapport secret sur les dents de lait est un livre qui n’explique ni la pousse, ni la chute des dents mais propose une immersion décalée dans l’aventure de ces petites quenottes blanches sur lesquelles on croyait pourtant avoir tout lu! C’est que le propos ici est radicalement nouveau: c’est un non-propos fait de pensées, d’images, de petites phrases qui piquent l’imagination de l’enfant. Sa bouche devient un dortoir pour des dents qui boudent, qui rigolent et «qui veulent toutes la même tartine de pâté». De son côté, la Petite Souris ruse, les guette à la sortie, se cache dans la brosse à dents et sue quand une dent la défie au poker!

Pas de grandes idées surtout, pas de leçon, pas d’intrigue, pas de schéma, pas d’explication. L’enfant imagine, regarde, s’interroge, rit et réfléchit comme il l’entend! Les illustrations sont aussi « incisives » que les mots — décapantes même — et sans mièvrerie aucune, colorées mais pas criardes, subtilement humoristiques et poétiques. Car exit les bonbons, les gentils rongeurs, les dents qui brillent. Les choses changent, il était temps : la Petite Souris va chez le psy, maman aussi, non? Les dents vont aux cabinets, ça tombe bien, l’enfant également! Alors Rapport secret sur les dents de lait n’apprend rien sur les dents mais il chatouille l’esprit de l’enfant-penseur, l’enfant qui aura une opinion sur ces phrases si peu lisses, sur cet humour un peu noir et sur ces dessins qui seront, selon lui, inhabituels, grossiers, touchants...

Et pour les grands qui auraient des scrupules à mettre entre les mains des bambins un livre si peu pédagogique, pas d’inquiétude. Le Rapport secret de Yann Fastier sensibilise — initie dirait-on même — à l’esthétique si particulière de l’univers policier. Car le style est parfaitement maîtrisé, rigoureux jusque dans les détails. La couverture couleur de kraft invite à regarder par le trou d’une serrure où se trouve l’illustration, par exemple. Le titre reprend une police comme tapée à la machine comme tous les textes qui sont présentés sur de petites bandelettes de papier, attachées au livre par du scotch apparent ou des trombones.

Les petits clins d’œil au polar et l’impertinent talent d’auteur et d’illustrateur de Yann Fastier entraînent le lecteur dans une enquête de l’absurde faite d’observations décousues, pleines de fraîcheur et d’insolence. C’est un Rapport secret sur les dents de lait dont on découvre les facéties au fil des pages, avec plaisir et chacun à sa façon! Un livre pour tous les âges.

Rapport secret sur les dents de lait par Yann Fastier aux Editions Atelier du poisson volant, 1999.

Quelle est la journée d’un chat errant ?


Quelle est la journée d’un chat errant ? C’est accompagné de la spécialiste des chats de gouttière du quartier que nous partons à la découverte des habitudes de Tama. Nous découvrons alors les règles fondamentales entre chats en ville ainsi que les quelques astuces pour les étudier sans les effrayer. Bien sûr, il n’est pas toujours évident pour l’homme de suivre partout cet animal solitaire, rapide, agile et souple. Ainsi commence la périlleuse poursuite avec ce bobtail japonais dans cette jungle de citadine.

Dans leur premier album jeunesse, Masako Izawa et Mamoru Hiraide ont réussi à faire voyager leurs lecteurs jusqu’à ce petit quartier de ville côtière, de l’île de Kyushu sur l’archipel du sud du Japon, grâce à la beauté des illustrations et la finesse du texte. On y découvre avec émerveillement cette société, parallèle à celle des hommes, qui regorge d’usages et de « formules de politesse » de chats. Néanmoins, ce n’est pas seulement la journée de Tama qui nous est présentée mais aussi tout un quartier typiquement japonais avec ses maisons, ses rues et ses passants.

Cet ouvrage invite l’enfant à se questionner et observer le monde qui l’entoure dans son quotidien. Quel est le propre rythme de l’enfant ? Que fait-il, lui, pendant que Tama dort ou prend son repas ? Cependant, je trouve que cet album a pour cible des enfants peut-être trop grands déjà par rapport au sujet abordé. En effet, la confrontation de ces deux mondes pour prendre conscience de son propre mode de vie convient parfaitement aux enfants curieux entre 4 et 6 ans. Mais, la part importante du texte dans l’histoire ainsi que les illustrations très détaillées semblent plutôt s’adresser aux enfants de primaire et non plus de maternelle. Par exemple, l’album Je mange, je dors, je me gratte, je suis un Wombat…, aux éditions Albin Michel Jeunesse, paraît mieux correspondre à la cible tout en gardant l’idée de découverte du monde animal avec une pointe d’humour dans la narration. Suivons ce chat ! de Masako Izawa et Mamoru Hiraide est toutefois un album très agréable à lire et à faire découvrir où l’on peut même y retrouver certaines pratiques de notre propre chat !

Suivons ce chat !, de Masako Izawo (auteur) et Mamooru Hiraide (illustratrice) dans la collection « Archimède » des éditions de l’école des loisirs.

Première découverte des terres d’ailleurs : l’Afrique


Après Méli-mélo en Asie, Martine Perrin propose un nouvel album aux couleurs ensoleillées et au graphisme ludique, plein de poésie et de dépaysement.

Cet album propose un graphisme attrayant pour les petits et grands, de 4 à 84 ans.
Les couleurs vives attirent l’œil et les illustrations rappellent les films si originaux de Michel Ocelot, créateur du très célèbre Kirikou. Le livre comporte également des découpes qui font penser au très bel album jeunesse Plein soleil d’Antoine Guillopé qui a connu un beau succès l‘année passée.
Le livre fournit des éléments intéressants pour un apprentissage ludique : Méli-mélo est un album parfait pour les enfants en école maternelle. En découvrant l’Afrique, ils apprennent les couleurs, les formes, les animaux, de nouveaux mots ainsi que le mode de vie d’un autre continent.
En effet, les motifs formant les pelages des animaux et les habits des personnages varient au fil de pages et reprennent les formes géométriques : carré, courbe, triangle, trait, cercle. Les découpes des pages permettent un jeu avec ces motifs.
Les personnages principaux sont ici les animaux qui épient les humains et, parfois, les craignent, à l’inverse des histoires habituelles.
En observant les humains, les animaux montrent au lecteur la vie en Afrique : la façon de trouver la nourriture, de la préparer, de se loger, de se vêtir, de se déplacer.
Martine Perrin arrive à insuffler de la poésie dans ce texte très simple en rimant ses réplique de page en page : « Qui te fait si peur, courageux léopard ? Ce grand chasseur sur mon territoire. »

Les parents seront heureux de présenter à leurs enfants, le soir à l’heure de raconter l’histoire, un album différent, loin des livres niais avec les personnages habituels (Minnie, Winnie et compagnie).



Méli-mélo en Afrique, Martine Perrin (2004)
Éditions Milan Jeunesse
11€