mardi 21 septembre 2010
La vie est brève et le désir sans fin, Patrick Lapeyre, P.O.L., 2010
Libre, seul et assoupi, Romain Monnery, éditions Au diable Vauvert
Bifteck de Martin Provost, éditions Phébus
Une vie qui n’était pas la sienne, Juan José Millás, aux éditions Galaade
Ouragan, Laurent Gaudé, Actes Sud, 2010
La Montagne de minuit, Jean-Marie Blas de Roblès, éditions Zulma, 2010
Jours d'enfance de Michiel Heyns, ed. Philippe Rey, traduit de l'Anglais (Afrique du Sud) par Françoise Adlstain (282 p.)
Fils d’une Afrikaner et d’un Anglais, Simon porte en lui les deux cultures de l’Afrique blanche.
Lors d’une rencontre sportive contre « les clefs à molette » d’un lycée technologique voisin, Simon va se retrouver face à son passé, incarné par son ancien camarade Fanie. Le récit entrecoupé de flashbacks nous fait découvrir la vie de la petite bourgade de Verkeerdespruit. À travers son récit initiatique, Simon porte un regard curieux et naïf sur ces habitants puritains et racistes.
Contrairement à ce que le lecteur attend, les Noirs étant parqués dans le township, ils ne sont pas le thème de l’histoire. Au contraire, les Afrikaners du village méprisent par-dessus tout les Anglais et leur culture ainsi que ceux qui ne souhaitent pas suivre le mode de vie du pasteur de l’Eglise. Tels Steve qui porte des vêtements de voyous et conduit une moto ainsi que l’extravagant Trevor et sa chemise rose en feront la douloureuse expérience et seront chassés de la ville.
Michiel Heyns nous livre le regard d’un enfant en plein apprentissage sur l’Afrique blanche et ses contradictions, le conservatisme des adultes et ses propres expériences de vie. Avec un style fluide et un récit alternant présent et passé, Michiel Heyns, au-delà de l’évolution de Simon nous parle de l’évolution de l’Afrique du Sud.
Romancier, enseignant et traducteur en Afrique du Sud, Michiel Heyns a pu commencer à vivre de sa plume grâce au succès de son premier roman The Children’s Day paru en 2002 (sur la liste finale des Bookseller’s award). Il a ensuite publié The Reluctant Passenger en 2003, The Typewriter’s Tale en 2005 et Bodies Politic en 2008. Il faudra attendre 2007 pour la traduction en français du Passager récalcitrant (chez JC Lattès) puis la rentrée littéraire 2010 pour son titre Jours d’enfance.
Le Cœur régulier d’Olivier Adam, aux Éditions de l’Olivier
« C’est toi qui étais là après. C’est à toi de me le dire. » Justement, Sarah n’en sait rien. Nathan, son frère, elle l’a écarté de sa vie. Une vie parfaite avec un mari parfait, des enfants parfaits, un pavillon parfait. Une vie dans laquelle Nathan et sa folie, son alcoolisme et son instabilité n’avaient plus leur place. Alors, quand il disparaît dans un accident de voiture, Sarah se sent coupable d’avoir abandonné ce frère adoré dans le passé, qui était comme son jumeau. Elle ne supporte plus sa vie trop étroite dans un monde réglé au millimètre près. Elle s’enfuit au Japon, dans un petit village où son frère avait retrouvé la paix. Sarah tente alors elle-même de trouver cette paix intérieure, espérant y rattraper quelque chose de Nathan.
Olivier Adam signe ici une histoire exaltante d’une femme déchirée entre deux mondes, l’un intact et bien réglé de son mari, l’autre hors des sentiers battus de son frère. Ainsi, après Passer l’hiver (Goncourt de la nouvelle en 2004), À l’abri de rien (prix France télévision en 2007 et prix Jean-Amila-Meckert en 2008) et d’autres romans adaptés au cinéma, Olivier Adam confirme une fois de plus son talent. Son style décrit aussi bien les paysages que les émotions. L’auteur retrace de manière si précise les mouvements de l’âme qu’il est impossible de ne rien ressentir en lisant ces mots perturbants. C’est alors que nous entrons nous aussi dans la recherche frénétique des battements du « cœur régulier ».
Audrey
Rosa candida de Audur Ava Ólafsdóttir, éd. Zulma, traduit de l’islandais par Catherine Eyjólfsson (332p.)
Fahrenheit 2010 d'Isabelle Desesquelles
Fahrenheit 2010 d’Isabelle Desesquelles, 198 p., éditions Stock
À l’heure où le statut et la place du libraire sont de plus en plus remis en cause par l’arrivée du numérique et des surfaces spécialisées, Isabelle Desesquelles nous dépeint avec une certaine ironie les conditions de vie à venir du libraire.
Cette jeune femme, anciennement directrice de la librairie Privat de Toulouse, l’une des plus grandes librairies de France, reconvertie en une librairie Chapitre.com, présente avec Fahrenheit 2010 son cinquième roman.
Que faire quand un magnat international américain décide de s’implanter sur le sol français ? Qui plus est pour créer une chaîne de librairie à l’instar de la Fnac et de Cultura ? Pas grand-chose et c’est bien de cela que parle ce livre avec une certaine justesse.
La narratrice, libraire depuis quinze ans, voit son statut changer du jour au lendemain avec l’arrivée de « La Multinationale ». Cette dernière, avec son réseau « Lachaîne », implantera une politique marketing à grande échelle dans le but de fidéliser la clientèle au détriment de la qualité et de l’excellence du lieu. Alors que son travail était sa raison de vivre et sa passion, il deviendra très vite un enfer et un malaise constants.
Fahrenheit 2010 est avec le roman graphique Moi vivant vous n’aurez jamais de pause ou comment j’ai cru devenir libraire de Leslie Plée, un livre dénonciateur de la nouvelle société de consommation.
L’originalité de la narration du livre, le regard critique et ironique de l’auteur permettent de montrer l’étendue des bouleversements du milieu des librairies. L’utilisation de surnoms absurdes pour décrire les dirigeants de cette dictature insensée, exprime d’un ton léger mais nécessaire les désillusions de cette libraire face à tant d’incompréhension devant sa passion des livres.
La Fortune de Sila de Fabrice Humbert, Editions Le Passage, 2010.
Après son précédent succès L’Origine de la violence qui avait conquis lecteurs et critiques, Fabrice Humbert signe un nouvel ouvrage.
« Dans le cours des vies, aucun événement, si minime soit-il, n’est anodin. » Cette phrase de la quatrième de couverture en dit long sur ce qui attend les protagonistes de cette histoire. Le roman s’ouvre sur un fait divers plutôt banal de nos jours, un acte de violence commis sur un innocent. Les témoins de l’agression sont nombreux, et aucun d’entre eux n’en sortira indemne…
Sila, serveur dans un grand restaurant parisien et pièce maîtresse de cette histoire, est frappé, un soir, par un client. Autour d’eux, personne ne daignera intervenir, par lâcheté ou encore indifférence. Pourtant, la vie de ces témoins sera marquée à tout jamais par cet événement, qui se révélera bien vite comme le point de départ d’une longue descente aux enfers. Au fil des pages, le lecteur est plongé au cours des vies désormais en déclin des protagonistes.
« L’argent ne fait pas le bonheur. » pourrait bien être la conclusion de cette histoire. Fabrice Humbert porte un regard bien sombre sur l’être humain mais aussi sur notre société où l’argent tient une place bien trop importante. L’attrait pour ce dernier, qui possède tous les personnages, les conduit à leur perte. L’auteur dresse une peinture réaliste d’une société mondialisée en pleine crise. L’écriture est claire et précise, quiconque ne connaissant pas les milieux financiers ne se sentira pas perdu.
Marine
Purge - Sofi Oksanen
Mon âme au diable, Jean-Pierre Gattégno
Mon âme au diable de Jean-Pierre Gattégno. 224 p. Editions Calmann Levy.
Alors que les polémiques autour de l’Education Nationale se multiplient en cette période de rentrée scolaire, Jean-Pierre Gattégno nous livre le portrait d’une société corrompue à travers un enseignant devenu tueur à gages.
Théodore Simonsky, professeur vacataire, n’a pas obtenu de poste depuis six mois et se trouve dans une situation plus que précaire. Aussi, lorsqu’un haut fonctionnaire de l’Education Nationale lui propose une mission dans un des collèges les plus mal famés de Paris, il ne peut refuser. Même si son travail consiste avant tout à supprimer la principale.
Le lecteur est plongé dès le début dans une situation absurde qui pourrait conduire au comique et à la réflexion si elle était moins caricaturée. Le collège rejoint par Simonski est le théâtre des scènes les plus violentes malgré la présence de détecteurs de métaux et de la police. De même que la prime d’assiduité obtenue par falsification est détournée au profit de la principale, aucune des mesures proposées par le gouvernement ne peut ramener l’établissement dans le droit chemin.
Simonsky n’a donc qu’une hâte : tuer enfin la principale pour quitter ce collège de pauvres dont le chemin jusqu’à la clochardisation est tout tracé. Ensuite, il ira enseigner dans un lycée huppé, où les élèves ont soif de connaissances. Le lecteur pourrait trouver cette vision provocante.
Provocation. Le roman s’y perd et condamne l’attitude de tous les acteurs (Education Nationale, professeurs, élèves) sans nuancer son discours. On ne croit pas aux réflexions de ce personnage passif dont les aventures ne sont pas à la hauteur de l’incipit aguicheur. Un roman un peu simpliste donc, qu’une chute aussi prévisible qu’anecdotique ne parvient pas à sauver.