mardi 21 septembre 2010

La vie est brève et le désir sans fin, Patrick Lapeyre, P.O.L., 2010



« Nora arrive avec deux ans de retard, à cinq heures précises. » Nora Neville est une jeune femme qui navigue entre deux hommes, Murphy, anglais travaillant comme trader à Londres et Louis, français, marié, traducteur mais surtout profiteur professionnel, vivant aux crochets de sa femme et de son meilleur ami, amoureux de lui, dont il profite. Après deux ans d’absence, Nora recontacte Louis, dit « Blériot », comme le célèbre aviateur, un vague ancêtre. Il va devoir jongler entre un amour destructeur et son couple agonisant pendant que Murphy, que Nora a quitté sans explications, erre à travers Londres, essayant de la retrouver ou de l’oublier. Mais à chaque fois qu’un homme commence à l’oublier, Nora réapparaît. La jeune femme, indécise, égoïste et bouleversante brise les cœurs, couples et esprits avant de succomber à son tour à la folie.

Patrick Lapeyre est l’auteur de six autres romans publiés aux éditions P.O.L. et a été récompensé en 2004 pour son œuvre L’Homme-sœur par le prix Inter. Il revisite dans son dernier roman le schéma du triangle amoureux avec les complications, crises et jalousies qui l’accompagnent invariablement. Sauf qu’ici, en périphérie de ce triangle, se trouve la femme de Blériot, avec qui il ne s’entend plus mais qu’il n’arrive pas à quitter. Dans certains moments de faiblesse, il en retombe presque amoureux.

L’histoire est assez répétitive principalement à cause des allées et venues de Nora à travers la Manche, qui finissent par donner le mal de mer au lecteur. Le style fluide de l’auteur permet néanmoins de se plonger rapidement dans l’univers du récit. L’épilogue n’est pas surprenant : comme toute histoire d’amour impossible, la fin est assez sombre. Le lecteur, qui se fait balader entre les deux pays tout au long du roman, espérait peut-être un atterrissage plus grandiose.

Nancy HUSTON, Infrarouge, Édition Actes Sud.

L’histoire d’une photographe aspirant à percer les êtres, les hommes particulièrement.
Une semaine de vacances en Toscane : c’est le cadeau de Rena Greenblatt, artiste et reporter-photographe de 45 ans, à son père Simon ainsi qu’à sa belle-mère, Ingrid. Les relations complexes entretenues avec eux plonge Rena dans la solitude. Ce n’est qu’avec Subra, sa confidente imaginaire, que Rena partage ses pensées les plus intimes, ses secrets inavouables, ses fantasmes et ses douleurs. Seule Subra sait à quels infrarouges réagis Rena.
« Raconte, dit Subra » et Rena raconte.
Née au Canada dans les années 1950, Nancy Huston, écrivaine, essayiste et musicienne s’installe en France en 1973. Auteur d’une vingtaine de romans, elle se démarque par son engagement féministe.
Rena, une femme portée par l’amour et le désir de liberté. Infrarouge n’est pas une autobiographie déguisée mais un magnifique roman intime et universel. Il explore les liens et les conflits familiaux, les rapports homme-femme en passant par les vérités inavouées.
Ce roman est un voyage qui nous révèle que l’essentiel reste dans le noir.
Chloé R.

Libre, seul et assoupi, Romain Monnery, éditions Au diable Vauvert

Fraîchement diplômé en économie, Machin, inactif et dépendant, entend bien poursuivre son activité préférée : paresser. Que ce soit chez ses parents ou sur les bancs de la Faculté, il vivote. Seulement voilà, un jour le pire arrive : ses parents le mettent à la porte. Une connaissance lui propose aussitôt une collocation à Paris, où son inactivité l’enracine dans l’appartement à mesure que la bonne entente générale se désagrège. Machin se rend pourtant régulièrement au Pôle emploi, où sa recherche de travail très passive rafraîchit agréablement son agent qui lui octroie les aides sociales sur sa seule bonne foi, une habitude pour le moins surprenante.
Titulaire de diplômes en langue et en communication, Romain Monnery enchaîne les petits boulots et publie quelques nouvelles dans la revue Dérapages. C’est à 30 ans qu’il nous livre son premier roman, Libre, seul et assoupi.
Ce roman veut être un portrait décapant de la jeunesse diplômée des années 2000. « Assoupi », cela ne fait aucun doute : le récit n’est pas vraiment passionnant. En donnant trop dans la caricature Monnery confère à son roman un caractère peu crédible, dérangeant par moments et quelques situations sont peu plausibles. Machin est plat, n’a pas de centres d’intérêts et est lui-même inintéressant. C’est là que cela pèche. Difficile de s’identifier à un homme qui ne présente que des tares et aucune motivation, difficile également de s'en émouvoir. L’écriture est néanmoins fluide malgré quelques écarts de langage.

Bifteck de Martin Provost, éditions Phébus

Un peu de viande fraîche, parfois, ça fait du bien !
Avec Bifteck, Martin Provost nous sert un troisième roman aux petits oignons.

Le récit nous emmène dans le Quimper de 1914, au cœur d’une Bretagne tellement pittoresque et caricaturale qu’on la croirait presque authentique. Un cadre parfait pour suivre les déboires d’André, jeune boucher avec une prédisposition pour manipuler la chair, celle de ses produits comme celle de ses clientes…
Malheureusement pour lui, la guerre se termine et les ennuis commencent : les hommes rentrent du front et notre bon André se retrouve avec sept marmots sur les bras et un mari jaloux à ses trousses. En désespoir de cause, il s’embarque pour les Amériques avec ses enfants, entamant une épopée digne d’un héros grec.

Bifteck est un roman improbable, où l’absurde côtoie l’improbable et où l’irréalisme devient la règle. La narration est fluide et le style simple et agréable, mais ce sont véritablement les images évoquées qui font tout le caractère du texte. Chaque scène dégage une ambiance unique et un parfum  marqué  -  ce qui, au final, n’est pas très étonnant quand on sait que l’auteur est issu du monde du cinéma.
Mais au-delà du roman d’images, Bifteck s’adresse aux sens, faisant appel aussi bien à la vue qu’à l’odorat, au goût, au toucher et même au son. Du début à la fin, André et ses enfants transportent avec eux, sur les mers comme sur terre, cette saveur particulière, qui rappelle la petite boucherie quimpéroise décrite dans le premier chapitre.
Seul bémol dans cette partition quasi parfaite : un final un peu décevant  sans rapport palpable avec ce qui précède. Un os d’autant plus difficile à avaler que le reste du texte se dévore avec une facilité déconcertante.
Bifteck reste malgré tout une histoire drôle et originale, servie par une narration terriblement efficace. Un roman alléchant mais qui laisse un peu sur sa faim.


Charlélie D.

Une vie qui n’était pas la sienne, Juan José Millás, aux éditions Galaade

« La vie des êtres humains repose sur un mythe, une légende, en définitive un mensonge. »
La vie de Julio et Laura s’effondre lorsque Manuel, leur voisin et ami, tombe dans le coma après un accident. Le jeune couple, déjà fragilisé par leur impossibilité d’avoir un enfant, se sépare et Julio se voit contraint de quitter le domicile conjugal. Poussé par une fascination trouble pour son voisin, il s’installe dans l’appartement de Manuel, contigu au leur, s’appropriant peu à peu son logement, ses vêtements, ses habitudes. Il découvre alors un lourd secret qui bouleverse sa vie.
D’abord paru en Espagne en 2006, Une vie qui n’est pas la sienne est désormais traduit en français par André Gabastou aux éditions Galaade. Après Le Désordre de ton nom et Deux femmes à Prague, Juan José Millás fait encore surgir l’étrange dans le quotidien, grâce à un style fluide et concis. Tout au long de ces deux cents pages, le lecteur, curieux de connaître la vérité, se demande qui aime qui, et qui est qui dans cette histoire d’amour inédite.

Ouragan, Laurent Gaudé, Actes Sud, 2010

Avis de tempête ! L’auteur de cet Ouragan ? Laurent Gaudé, romancier et dramaturge, plus connu pour son œuvre traduite dans le monde entier - Le soleil des Scorta – pour lequel il reçut le prix Goncourt en 2004.
Ouragan retrace l’histoire d’une dizaine de personnages, tous victimes de l’ouragan Katrina qui a sévi aux Etats-Unis, et plus précisément à la Nouvelle-Orléans, en 2005.
Ils sont noirs, blancs, jeunes, amoureux ou âgés, rien n’est censé les réunir au départ… Et pourtant, leurs chemins vont se croiser à la suite de cet évènement tragique. Chaque personnage prend tour à tour la parole et témoigner de son histoire.
Il y a tout d’abord ce personnage saisissant : « Moi, Joséphine Linc. Steelson, négresse depuis presque cent ans », vieille femme seule et fière. Elle se place comme porte-parole de tout un peuple : les bayous noirs-américains tristement délaissés lors du drame.
Il y a aussi cet homme, Keanu, grand et fort mais surtout perdu, qui part défier la tempête afin de retrouver son amour passé, Rose.
Mais d’autres comme Buckeley ne peut que subir l’ouragan car son sort de prisonnier ne l’autorise à rien, même pas à fuir.
Laurent Gaudé peint ici des destinées toutes aussi diverses qu’émouvantes dans un décor apocalyptique. Il mêle intensité et tragédie afin de sentir l’odeur du désespoir qui réunit.
Camille X.

La Montagne de minuit, Jean-Marie Blas de Roblès, éditions Zulma, 2010

L'histoire : Bastien est un vieux monsieur, ennuyeux de l’avis de tous, gardien d’un collège jésuite à Lyon mais secrètement passionné par la culture tibétaine et le lamaïsme. De fait, il vit aussi solitaire qu’un moine bouddhiste, tenu à l’écart pour d’obscures raisons. L’aventure commence par la rencontre entre le vieux sage et Rose, sa nouvelle voisine emménagée avec son petit Paul.
Séduite par l’étrangeté du personnage, cette dernière s’attache à lui au point de lui permettre d’accomplir le voyage de sa vie.
Les amateurs de littérature de voyage seront satisfaits : comme à son habitude, Jean-Marie Blas de Roblès nous emmène sur des terres exotiques. Dans son dernier roman, Là où les tigres sont chez eux (Prix Médicis), on allait au Brésil, avec La Montagne de Minuit, on se retrouve au Tibet, que l’auteur connaît bien pour avoir enseigné en Chine plusieurs années – comme un de ses personnages -.Certains voyages sont presque une visite presque touristique du Tibet, on y sent d’ailleurs trop clairement l’auteur y raconte son propre voyage.
Il n’empêche que ce roman reste bien un roman français, avec toutes lescaractéristiques du genre : introspection et résurgence de secrets de famille datant, comme c’est original, de la Seconde Guerre mondiale. On se lasse de ces thèmes usés à force d’êtres utilisés. Et bien que Roblès mélange ces thèmes à celui de la culture tibétaine, il n’en ressort rien d’original.
En dehors de l’histoire des personnages, le livre se présente un peu comme une enquête historique sur les liens entre le nazisme et le Tibet. S’appuyant sur des recherches réelles, il s’intéresse à ces rumeurs selon lesquelles les moines bouddhistes auraient intégré le régime nazi durant la guerre.
La tentative est maladroite, l’auteur dépasse de son personnage, Viviane, l’historienne, derrière lequel il s’était caché pour rendre compte d’un sujet qui l’intéresse lui, personnellement.
En somme on se demande si La Montagne de minuit ne sert pas de prétexte à l’auteur pour partager son questionnement historique et raconter son voyage au Tibet. Car il faut bien avouer que l’écriture n’a rien de particulièrement savoureux.
Mais ne soyons pas injustes, ce court roman se laisse lire gentiment, l’écriture est fluide et ponctuée des éléments de suspense indispensables pour nous donner envie de savoir la fin.
Pas de la grande littérature mais un divertissement sympathique.
Lucile

Jours d'enfance de Michiel Heyns, ed. Philippe Rey, traduit de l'Anglais (Afrique du Sud) par Françoise Adlstain (282 p.)

Fils d’une Afrikaner et d’un Anglais, Simon porte en lui les deux cultures de l’Afrique blanche.

Lors d’une rencontre sportive contre « les clefs à molette » d’un lycée technologique voisin, Simon va se retrouver face à son passé, incarné par son ancien camarade Fanie. Le récit entrecoupé de flashbacks nous fait découvrir la vie de la petite bourgade de Verkeerdespruit. À travers son récit initiatique, Simon porte un regard curieux et naïf sur ces habitants puritains et racistes.

Contrairement à ce que le lecteur attend, les Noirs étant parqués dans le township, ils ne sont pas le thème de l’histoire. Au contraire, les Afrikaners du village méprisent par-dessus tout les Anglais et leur culture ainsi que ceux qui ne souhaitent pas suivre le mode de vie du pasteur de l’Eglise. Tels Steve qui porte des vêtements de voyous et conduit une moto ainsi que l’extravagant Trevor et sa chemise rose en feront la douloureuse expérience et seront chassés de la ville.

Michiel Heyns nous livre le regard d’un enfant en plein apprentissage sur l’Afrique blanche et ses contradictions, le conservatisme des adultes et ses propres expériences de vie. Avec un style fluide et un récit alternant présent et passé, Michiel Heyns, au-delà de l’évolution de Simon nous parle de l’évolution de l’Afrique du Sud.

Romancier, enseignant et traducteur en Afrique du Sud, Michiel Heyns a pu commencer à vivre de sa plume grâce au succès de son premier roman The Children’s Day paru en 2002 (sur la liste finale des Bookseller’s award). Il a ensuite publié The Reluctant Passenger en 2003, The Typewriter’s Tale en 2005 et Bodies Politic en 2008. Il faudra attendre 2007 pour la traduction en français du Passager récalcitrant (chez JC Lattès) puis la rentrée littéraire 2010 pour son titre Jours d’enfance.

Le Cœur régulier d’Olivier Adam, aux Éditions de l’Olivier

« C’est toi qui étais là après. C’est à toi de me le dire. » Justement, Sarah n’en sait rien. Nathan, son frère, elle l’a écarté de sa vie. Une vie parfaite avec un mari parfait, des enfants parfaits, un pavillon parfait. Une vie dans laquelle Nathan et sa folie, son alcoolisme et son instabilité n’avaient plus leur place. Alors, quand il disparaît dans un accident de voiture, Sarah se sent coupable d’avoir abandonné ce frère adoré dans le passé, qui était comme son jumeau. Elle ne supporte plus sa vie trop étroite dans un monde réglé au millimètre près. Elle s’enfuit au Japon, dans un petit village où son frère avait retrouvé la paix. Sarah tente alors elle-même de trouver cette paix intérieure, espérant y rattraper quelque chose de Nathan.


Olivier Adam signe ici une histoire exaltante d’une femme déchirée entre deux mondes, l’un intact et bien réglé de son mari, l’autre hors des sentiers battus de son frère. Ainsi, après Passer l’hiver (Goncourt de la nouvelle en 2004), À l’abri de rien (prix France télévision en 2007 et prix Jean-Amila-Meckert en 2008) et d’autres romans adaptés au cinéma, Olivier Adam confirme une fois de plus son talent. Son style décrit aussi bien les paysages que les émotions. L’auteur retrace de manière si précise les mouvements de l’âme qu’il est impossible de ne rien ressentir en lisant ces mots perturbants. C’est alors que nous entrons nous aussi dans la recherche frénétique des battements du « cœur régulier ».


Audrey

Rosa candida de Audur Ava Ólafsdóttir, éd. Zulma, traduit de l’islandais par Catherine Eyjólfsson (332p.)


La rosa candida est une espèce rare de rose à huit pétales. C’est aussi la rose que la défunte mère d’Arnljótur cultivait dans sa serre et celle qu’il emmène avec lui lors d’un voyage vers le continent pour s’occuper de la plus belle roseraie du monde.
Arnljótur a 22 ans, vit en Islande, a un père protecteur, un frère autiste et une petite fille née d’un « quart de nuit » avec l’amie d’un ami, Anna. Il pense sans cesse au corps –le sien et celui des autres-, à la mort – celle de sa mère ou d’inconnus-, et aux roses –la passion que lui a transmise sa mère.
Audur Ava Ólafsdóttir est née en 1958 à Reykjavik. Après des études d’histoire, elle devient directrice du musée Universitaire d’Islande. Son troisième roman, Rosa candida est le premier à être traduit en français, a été applaudi en Islande et a reçu le prix littéraire des femmes et le prix culturel DV de littérature.
Le voyage d’Arnljótur vers cette roseraie mythique ou l’attend un moine cinéphile est également une découverte de lui-même ainsi que de sa fille dont Anna lui demande de s’occuper.
À travers ce long voyage pour rejoindre le monastère qui abrite la roseraie, Arnljótur va faire de nombreuses rencontres qui vont l’amener à se questionner sur sa relation avec les autres, connus ou inconnus. Mais la personne sur laquelle il apprendra la plus c’est lui-même, à travers la vision que les autres ont de lui et à travers la découverte de sa fille et de la mère de celle-ci.
Audur Ava Ólafsdóttir à travers Rosa candida nous livre un roman initiatique dans un univers poétique, dans un village oublié, au milieu des roses.


Fahrenheit 2010 d'Isabelle Desesquelles

Fahrenheit 2010 d’Isabelle Desesquelles, 198 p., éditions Stock

À l’heure où le statut et la place du libraire sont de plus en plus remis en cause par l’arrivée du numérique et des surfaces spécialisées, Isabelle Desesquelles nous dépeint avec une certaine ironie les conditions de vie à venir du libraire.

Cette jeune femme, anciennement directrice de la librairie Privat de Toulouse, l’une des plus grandes librairies de France, reconvertie en une librairie Chapitre.com, présente avec Fahrenheit 2010 son cinquième roman.

Que faire quand un magnat international américain décide de s’implanter sur le sol français ? Qui plus est pour créer une chaîne de librairie à l’instar de la Fnac et de Cultura ? Pas grand-chose et c’est bien de cela que parle ce livre avec une certaine justesse.

La narratrice, libraire depuis quinze ans, voit son statut changer du jour au lendemain avec l’arrivée de « La Multinationale ». Cette dernière, avec son réseau « Lachaîne », implantera une politique marketing à grande échelle dans le but de fidéliser la clientèle au détriment de la qualité et de l’excellence du lieu. Alors que son travail était sa raison de vivre et sa passion, il deviendra très vite un enfer et un malaise constants.

Fahrenheit 2010 est avec le roman graphique Moi vivant vous n’aurez jamais de pause ou comment j’ai cru devenir libraire de Leslie Plée, un livre dénonciateur de la nouvelle société de consommation.

L’originalité de la narration du livre, le regard critique et ironique de l’auteur permettent de montrer l’étendue des bouleversements du milieu des librairies. L’utilisation de surnoms absurdes pour décrire les dirigeants de cette dictature insensée, exprime d’un ton léger mais nécessaire les désillusions de cette libraire face à tant d’incompréhension devant sa passion des livres.

La Fortune de Sila de Fabrice Humbert, Editions Le Passage, 2010.

Après son précédent succès L’Origine de la violence qui avait conquis lecteurs et critiques, Fabrice Humbert signe un nouvel ouvrage.

« Dans le cours des vies, aucun événement, si minime soit-il, n’est anodin. » Cette phrase de la quatrième de couverture en dit long sur ce qui attend les protagonistes de cette histoire. Le roman s’ouvre sur un fait divers plutôt banal de nos jours, un acte de violence commis sur un innocent. Les témoins de l’agression sont nombreux, et aucun d’entre eux n’en sortira indemne…

Sila, serveur dans un grand restaurant parisien et pièce maîtresse de cette histoire, est frappé, un soir, par un client. Autour d’eux, personne ne daignera intervenir, par lâcheté ou encore indifférence. Pourtant, la vie de ces témoins sera marquée à tout jamais par cet événement, qui se révélera bien vite comme le point de départ d’une longue descente aux enfers. Au fil des pages, le lecteur est plongé au cours des vies désormais en déclin des protagonistes.

« L’argent ne fait pas le bonheur. » pourrait bien être la conclusion de cette histoire. Fabrice Humbert porte un regard bien sombre sur l’être humain mais aussi sur notre société où l’argent tient une place bien trop importante. L’attrait pour ce dernier, qui possède tous les personnages, les conduit à leur perte. L’auteur dresse une peinture réaliste d’une société mondialisée en pleine crise. L’écriture est claire et précise, quiconque ne connaissant pas les milieux financiers ne se sentira pas perdu.

Marine

Purge - Sofi Oksanen



Tous les auteurs ne rêvent-ils pas de voir leurs ventes dépasser celles d’Harry Potter ? Ce rêve devient réalité pour Sofi Oksanen, les ventes de son roman Purge ont dépassé celles de J.K. Rowling en Estonie, son pays d’origine.



Purge, troisième roman de notre auteure de 33 ans, enrichit le débat historique qu’est la période de l’occupation soviétique.



Depuis la chute de l’union soviétique, Aliide, une vieille femme, se terre dans sa ferme par peur des pillages. Cependant, un soir, elle trouve une inconnue, Zara au fond de son jardin. Elle est sale, affamée, et semble avoir perdue la raison.

Malgré ses réticences, Aliide lui ouvre sa porte. Les deux femmes vont alors devoir affronter la révélation d’un lourd secret de famille, en lien direct avec l’occupation soviétique…

Malgré un style original et percutant, ce roman connaît quelques longueurs. Le sujet est traité de manière atypique, avec des va-et-vient entre les années 40 et les années 90.

Loin d’être un roman cliché sur le sujet, Purge reflète, la société de l’Est telle qu’elle l’était, grâce à un important travail de recherche de la part de l’auteure. Cet ouvrage dérange et captive, rappelant le film La Vie des autres de Florian Henckel Von Donnersmarck.
Sofi Oksanen nous offre ici un véritable voyage dans le temps…
Pauline

Mon âme au diable, Jean-Pierre Gattégno

Mon âme au diable de Jean-Pierre Gattégno. 224 p. Editions Calmann Levy.

Alors que les polémiques autour de l’Education Nationale se multiplient en cette période de rentrée scolaire, Jean-Pierre Gattégno nous livre le portrait d’une société corrompue à travers un enseignant devenu tueur à gages.

Théodore Simonsky, professeur vacataire, n’a pas obtenu de poste depuis six mois et se trouve dans une situation plus que précaire. Aussi, lorsqu’un haut fonctionnaire de l’Education Nationale lui propose une mission dans un des collèges les plus mal famés de Paris, il ne peut refuser. Même si son travail consiste avant tout à supprimer la principale.

Le lecteur est plongé dès le début dans une situation absurde qui pourrait conduire au comique et à la réflexion si elle était moins caricaturée. Le collège rejoint par Simonski est le théâtre des scènes les plus violentes malgré la présence de détecteurs de métaux et de la police. De même que la prime d’assiduité obtenue par falsification est détournée au profit de la principale, aucune des mesures proposées par le gouvernement ne peut ramener l’établissement dans le droit chemin.

Simonsky n’a donc qu’une hâte : tuer enfin la principale pour quitter ce collège de pauvres dont le chemin jusqu’à la clochardisation est tout tracé. Ensuite, il ira enseigner dans un lycée huppé, où les élèves ont soif de connaissances. Le lecteur pourrait trouver cette vision provocante.

Provocation. Le roman s’y perd et condamne l’attitude de tous les acteurs (Education Nationale, professeurs, élèves) sans nuancer son discours. On ne croit pas aux réflexions de ce personnage passif dont les aventures ne sont pas à la hauteur de l’incipit aguicheur. Un roman un peu simpliste donc, qu’une chute aussi prévisible qu’anecdotique ne parvient pas à sauver.