dimanche 23 janvier 2011

La Guerre des banlieues n'aura pas lieu, d'Abd Al Malik, au Cherche Midi

« On ne fait pas de la littérature avec des bon sentiments », disait André Gide. Il aurait été aimable de prévenir Abd Al Malik avant que celui-ci n’écrive son dernier roman, La Guerre des banlieues n’aura pas lieu. Tout le monde ne semble pas pourtant de cet avis, puisqu’il a été édité et qu’il a même reçu le prix Edgar Faure, du meilleur roman politique.
Au crédit de son éditeur, Le Cherche Midi, il faut avouer que l’idée de voir un déclameur de posés s’essayer à l’art du roman était plutôt plaisante. En temps normal, Abd Al Malik est en effet d’avantage connu pour son slam, poésie déclamée. Il a contribué, avec Grand Corps Malade, à faire connaitre au grand public ce nouveau genre musical, issu du rap.
Dans son livre, comme dans son slam, Abd Al Malik parle du problème des banlieues pauvres, où il a grandi. Pourtant, malgré ses hautes ambitions, ce livre, qu’on ne saurait en vérité classer car il tient à la fois du roman, de l’autobiographie, de l’essai politique et même du message spirituel, ne nous apporte finalement pas grand-chose.
La réflexion sur le problème d’intégration des jeunes des cités n’amène rien de niveau au débat, se limitant à un discours très consensuel. Cela explique sûrement pourquoi Olivier Dassault, membre du jury de l’ambigu prix Edgar Faure, mais également homme politique rétrograde et fils de Serge Dassault, le grand patron de presse multimilliardaire, n’a pas vu d’inconvénient à le récompenser pour son roman politique.
L’histoire du personnage, Peggy, ancien délinquant fraîchement sorti de prison où il s’est converti à l’Islam, aurait pu apporter une dimension subjective intéressante mais l’écriture se révèle trop pauvre. L’auteur jongle mal entre écriture orale et littéraire. Il en résulte un mélange brouillon et sans personnalité. De plus, Abd Al Malik apparait trop clairement derrière son personnage. Le lecteur n’est pas dupe et il s’agace : pourquoi ne parle-t-il pas directement en son nom plutôt que d’intervenir sans cesse dans le livre : introduction, remerciements, « autoportrait kaléidoscopique » où il a la bonté de nous informer de ses livres, films et chanteurs préférés.
Enfin la constante référence à la religion est gênante. Le livre dédie des pages entières à des extraits du Coran ou à des discours de maîtres soufistes. De fait Abd Al Malik et donc son personnage, se sont convertis à l’Islam et ils tentent de nous offrir un point de vue sur la religion plus spirituel que celui que nous apportent d’ordinaire les médias en l’associant au terrorisme. D’une certaine manière, c’est réussi. On s’étonne de découvrir ce courant d’interprétation spirituelle de l’Islam. Mais la chose est présentée de manière si maladroite que l’on a tantôt l’impression qu’il nous fait un cours sur l’Islam, tantôt qu’il veut nous convertir. Dans les deux cas, la tentative est déplacée.
On comprend bien que l’auteur veut nous transmettre son regard sur le monde, éclairé par le soufisme et par sa propre histoire, mais l’on comprend surtout qu’il veut parler de lui-même et que ce regard est narcissique. Il écrit : « Moi je suis un gars plutôt pas mal dans mon genre […]. C’est un constat : je suis vraiment pas un type comme les autres. », ou encore « J’étais juste le Philosophe, le type que la rue avait proclamé “L’enculé le plus intelligent du quartier”. »
Pour faire de la littérature, il faut parvenir à puiser dans sa subjectivité tout en abandonnant son ego, afin d’atteindre une parcelle de l’universel. Il faut sentir les choses plus que les raisonner. Il faut faire sien les mots, ne pas imiter.
Bref, La Guerre des banlieues n’aura pas lieu a un intérêt littéraire et politique tout-à- fait réduit mais il conviendra sans doute aux fans d’Abd Al Malik, et après tout, c’était peut-être le but.

2 commentaires:

  1. Pourquoi autant de haine envers cet homme? Son livre est très explicatife au contraire ! Moi il m'a fait des choses inconnu , j'ai beaucoup aimé.

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  2. ....et si l'auteur parlant du Soufisme s'appelait René Guénon , vous le percevriez comment ? Je trouve que la France a beaucoup de chance d'avoir un jeune si intelligent , voyant autre chose dans l'islam que du bourrage de cranes pour esprits incapables d'utiliser leurs propres méninges , qui aime la France où il a grandi , et qui comprend et pratique la beauté de la voie spirituelle qu'est le Soufisme . .Ne se sent-on pas mieux d'entendre un jeune aussi intelligent...... et qui sait de quoi il parle ! Que de voir les médias , y compris nationaux , montrer en boucle la photo d'une jeune crétin incapable de penser par lui-même , qui prenait plaisir à tuer à bout portant les gens en prenant çà pour son identité personnelle !

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