samedi 15 janvier 2011

Sukkwan Island de David Vann, aux éditions Gallmeister

« L’espace d’un instant, Roy eut la sensation de débarquer sur une terre féerique, un endroit irréel. » Cette terre féerique, c’est Sukkwan Island, une île isolée et inhabitée, perdue au large de l’Alaska : une île coupée du monde, accessible seulement par bateau ou hydravion ; une île sauvage, aux forêts humides et inquiétantes, aux montagnes escarpées et dangereuses. C’est ici que Jim a décidé de vivre pendant un an dans une cabane en bois, accompagné de son fils, Roy, treize ans. Jim a tout raté, sa vie personnelle et sa vie professionnelle. Ce séjour sur l’île, il le voit comme une rédemption, un moyen de purger toutes ses fautes. Il veut aussi apprendre à mieux connaître ce fils qu’il n’a jamais pris le temps de regarder grandir. Commence alors une cohabitation difficile, d’autant que Jim ne maîtrise pas les rudiments de la survie en pleine nature. Chaque échec l’enfonce plus loin dans la dépression. Roy tente d’ignorer la détresse de son père, mais il lui est difficile de faire abstraction de ses gémissements et de ses sanglots pendant la nuit. Cette situation inconfortable et oppressante perdure jusqu’à ce qu’un drame violent et imprévisible vienne clore la première moitié de ce roman. Quant à la seconde, je n’en soufflerai mot sous peine de dévoiler l’intrigue et le destin de ses protagonistes.

David Vann, l’auteur de ce roman, est un écrivain américain, il enseigne aussi à l’université de San Francisco. Il est surtout connu pour son roman A Mile Down : The True Story of a Disastrous Career at Sea, l’histoire du naufrage d’un bateau qu’il a lui-même construit. Il a aussi écrit Legend of Suicide, un recueil de poèmes inspiré par le suicide de son père. C’est d’ailleurs de ce recueil que Sukkwan Island est tiré. Cependant, ce roman ne trouvera d’éditeur que quinze après sa rédaction. Sukkwan Island est lui aussi inspiré directement de la vie de l’auteur. Comme dans l’histoire, le père de David lui demande s’il veut venir avec lui vivre sur une île déserte. David répondra non. Le parallèle entre la fiction et le réel s’arrête là. Son père se suicidera quelques mois plus tard, laissant une intolérable question hanter l’esprit de David : « Et si j’avais accepté… » C’est ici que commence le récit de Sukkwan Island.

La connaissance de ces faits apporte une dimension plus profonde au récit. Le style clair et sans fioriture va droit au but. L’action s’étire lentement, puis s’accélère de façon spectaculaire dans les évènements tragiques. Mais elle reste si sommaire et expéditive qu’il faut plusieurs lectures avant d’intégrer les conséquences du récit. En trois phrases courtes, l’auteur crée le drame. C’est égarés, déstabilisés et inquiets que David Vann nous abandonne à la fin de son roman. Un roman poignant qui nous oblige à méditer sur les grands rêves et les raisons de vivre.

« Il sut alors que Roy l’avait aimé et que cela aurait dû lui suffire. Il n’avait simplement pas compris à temps. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire