mercredi 19 septembre 2012

La sorcière


La sorcière, une douce cruauté


Marie Ndiaye,  jeune prodige de la littérature, avec la publication à ses dix-sept ans de son premier livre Quant au riche avenir,  et sa consécration avec l’obtention du prix Goncourt en 2009 pour Trois femmes puissantes, ne cesse de nous éblouir par son talent et sa volonté de montrer la dureté que l’on peut retrouver chez l’être humain. La Sorcière, parue en 1996, fait donc partie des livres où la cruauté détruit la vie.

Lucie, mère de jumelles âgées de douze ans, est une sorcière qui peut percevoir l’avenir et le passé. Mais, à sa grande frustration, elle n’est pas très douée pour exercer ce pouvoir qu’elle a hérité des femmes de sa famille. Elle va à son tour transmettre ce don à ses filles malgré le dégoût de son mari pour cet état de sorcière. Les deux adolescentes qui se révèlent talentueuses prennent goût à l’utilisation de leur pouvoir et aspirent à la liberté. Tout le monde de Lucie commence alors à s’effondrer : la tristesse et la solitude l’envahissent, et elle fait face à la dureté de ses proches et à leur indifférence.

Marie Ndiaye, avec une sorte de tendresse, nous décrit des relations familiales chaotiques, l’impuissance d’une personne à mener sa vie telle qu’elle l’entend, et le basculement de toute une vie, et de nombreux aspects auxquels le mystère et la magie se mêlent. Ce roman est plutôt dur, il incite à s’interroger sur le bonheur, sur la séparation avec l’être aimé ou encore sur la disparition pure et simple de l’attachement que l’on éprouve pour une personne, avec notamment le personnage de Pierrot, le mari de Lucie, qui ne l’aime plus : « l’existence tranquille que vous avez menée tous les quatre il en a eu le dégoût ». Et dans un même temps l’aspect fantastique du livre, qui déroute le lecteur et atténue la cruauté  dans le texte, semble être présent pour expliquer ce mal-être ambiant : la différence nous fait rejeter l’autre.


Cette œuvre peu connue du grand public, montre les prémisses du genre dans lequel s’inscrit Marie Ndiaye, qui est celui du « réalisme magique » où le fantastique est au service de l’explication de notre monde réel.

Une expérience littéraire et humaine à découvrir.


La Sorcière par Marie Ndiaye
Les éditions de Minuit, collection de poche « double »
173 p.  paru en 2003

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