mercredi 19 septembre 2012

DOULOUREUX EXIL


Bien fait pour moi, je n’avais qu’à pas exister ! C’est ce que tu nous dis froidement alors que tu t’interroges sur ton identité, toi qui a été arrachée d’un pays où tu n’avais pas vraiment ta place pour arriver dans un autre, où d’après toi, tu l’as encore moins.



Tu as cinq ans et tu nous racontes ton exil. Tu es la fille d’une Italienne aux yeux bleus et d’un arabe au teint brun, et tu te questionnes sur ton identité. C’est la guerre dans ton pays que tu aimes tant, l’Algérie. Vous partez, tes parents, ton frère, tes deux sœurs et toi. Vous allez en France, mais comme tu dis, «le départ a une sale couleur de pisse froide». Tu as toujours froid ici, les couleurs sont ternes, ta terre natale chaude et colorée te manque. Ton père garde une prison, comme avant, et tu ne trouves pas ta place dans cette enceinte close, parmi les prisonnières. Tu essaies de rendre ton père fier de toi et d’attirer l’attention de ta mère. Tu parais toujours sage et obéissante de l’extérieur, mais tu exploses à l’intérieur. Tes phrases sont courtes, incisives, franches et tes images enfantines se mêlent à des pensées d’adultes. Tu as l’air bien mature pour ton âge. Tu nous emportes dans ton histoire et nous lisons doucement pour prendre toute la mesure des remarques pas aussi anodines qu’elles semblent l’être...

Fortement inspiré de sa vie, Ça t’apprendra à vivre est le premier roman de Jeanne Benameur. Le regard acéré de la petite narratrice sur sa vie quotidienne, ses métaphores poignantes, rendent le récit particulièrement touchant et vibrant. Nous comprenons sans mal que cet ouvrage continue à être réédité ! Il est paru au Seuil en 1998, puis chez Denoël en 2003 et chez Actes Sud, dans la collection Babel, en 2012.


Ça t’apprendra à vivre, Jeanne Benameur 
Babel, 6,50€

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