mardi 19 octobre 2010

Jérôme FERRARI, Où j’ai laissé mon âme, 2010, Actes Sud, (140 pages).

« Je me souviens de vous, mon capitaine, je m’en souviens très bien, et je revois encore distinctement la nuit de désarroi et d’abandon tomber sur vos yeux quand je vous ai appris qu’il s’était pendu. » C’est ainsi que le lieutenant Andreani s’adresse au capitaine Degorce quelques années après la guerre d’Algérie.

Le capitaine Degorce est un rescapé des camps de concentration, un homme marqué par les différents combats qu’il a menés. Il a une femme et des enfants en France mais il ne sait plus quoi leur dire, son monde étant à l’opposé du leur. Il tente de prier mais n’y arrive plus.

Le lieutenant Andreani lui voue une admiration sans bornes, à la limite de l’amour, malgré leur vision différente de la guerre ; Andreani ne se pose pas de questions sur le bien et le mal, il exécute les ordres de manière détachée et sans sentimentalisme.

Les deux hommes se sont connus durant la guerre d’Indochine. Ils ont été tout deux prisonniers à Dien Bien Phu et c’est ce qui les a rapprochés ; « nous avons été engendrés par la même bataille, sous les pluies de la mousson.»

Mais en Algérie les choses ont changées, ils ne se comprennent plus. Andreani obéit aux ordres alors que Degorce ne les comprend pas tous et admire un commandant de l’ALN (Armée de Libération Nationale), Tahar.

Ce quatrième roman de Jérôme Ferrari, professeur de philosophie, traite d’un sujet encore sensible dans notre société : la torture des prisonniers algériens. Les tortionnaires sont évoqués comme des hommes quelconques luttant entre leur conscience et leur devoir.

Ce récit repose la question de la banalité du mal et de la relation entre victime et bourreau ; le capitaine Degorce victime des nazis, devient à son tour tortionnaire en Algérie. Comme le lieutenant Andreani le fait remarquer, « Aucune victime n'a jamais eu le moindre mal à se transformer en bourreau, au plus petit changement de circonstances. »

La narration est double, d’un côté il y a Andreani qui s’adresse de manière directe à Degorce lui livrant le fond de ses pensées sur les événements de la guerre et leurs conséquences. De l’autre nous suivons trois journées du capitaine, décrites à la troisième personne. À travers ces trois jours le lecteur peut appréhender les démons qui hantent Degorce jusqu’à la question finale ; qu’est il advenu de son âme ?

« Il a laissé son âme en chemin, quelque part derrière lui, et il ne sait pas où. »

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