« On est passé de l’autre côté, ça y est. C’est fait c’est noté qu’on le sache. », invective la narratrice du nouveau roman d’Anne Savelli, Franck. « L’autre côté », c’est la prison et son parloir, une demi-heure par semaine.
Franck est un jeune adulte né en 1968, incarcéré en 1986 pour vol avec violence. La narratrice de ce récit est la jeune femme qui a aimé Franck, qui a passé des journées dans les transports, pour trente minutes de parloir, de Fleury-Mérogis à Béthune. Ils sont tous deux entrés dans l’enfer de leur vie à vingt ans à peine.
Incarcéré pour deux ans, Franck passa son enfance en famille d’accueil dans le Nord. Puis vient la vie dans les gares de métro, Jourdain, Oberkampf, Les Halles. Dormir dans les squats, aller dans les bars quand la manche a été bonne c’est la réalité d’une vie dans la marge, à côté d’une société qui les rejette et les ignore. Après c’est Fleury-Mérogis, le quotidien de la cellule et du parloir, les maisons d’arrêt, le juge, le tribunal.
Anne Savelli est née à Paris. Elle poursuivit des études de lettres et d’audiovisuel. Elle a publié son premier livre, Fenêtres/Open space aux éditions Le Mot et le reste en 2007. En septembre 2008 est paru un second livre, Cowboy Junkies, The trinity session /'til I'm dead, dans la collection Solo chez le même éditeur. Elle nous offre avec Franck, son troisième roman (Editions Stock, septembre 2010). Franck est un livre qui décrit le chemin emprunté par un homme indésirable, qui n’a ni su ni voulu trouver sa place. Il traîne un sac qui contient toute son existence : lettres, photos, papiers, minicassette et quelques livres, dont Le Vieil Homme et la mer d’Hemingway. Un sac contient une vie d’homme, lorsqu’on sort de prison.
Cet ouvrage établit le portrait d’une société tout entière en posant la question de l’homme en marge, rejeté et celle de la prison : comment vivre suite à un séjour entre ses murs ?
Anne Savelli nous peint cet aspect mal connu de nos sociétés dans une langue urbaine, sauvage et tendue. L’écriture nous frappe par la violence de son rythme, phrases emboîtées, paragraphes enchâssés.
Sa langue nous remue, nous retourne, et nous permet de ressentir avec force la solitude d’un homme en prison, mais plus encore celle d’une jeune femme qui aime cet homme.
Cet ouvrage laisse ouverte l’hypothèse qu’Anne Savelli soit elle-même la narratrice de l’histoire, ce qui donne encore plus de force au récit.
Pauline
Ce n'est pas qu'une hypothèse. Anne Savelli EST la narratrice.
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