mardi 13 octobre 2009

Tous les hommes sont menteurs d’Alberto Manguel, Actes Sud.

Le livre d’A. Manguel est une constante mise en abyme du roman dans le roman.

Le lecteur de Tous les hommes sont des menteurs se transforme en historien, enquêteur et journaliste à la fois tandis que le roman nous offre un visage de documentaire aux allures biographiques mâtiné de polar.

Nous somme plongés dans une question qui ne trouve pas de réponse dans un univers qui, nourri par l’imaginaire d’un auteur, de ses narrateurs, et d’un lecteur, grandit sans jamais offrir sa vérité.
Un journaliste français, Terradillas, décide d’enquêter sur la vie et la mort d’un écrivain méconnu et génial, André Bellavicqua, auteur d’une œuvre unique et majeure : l’éloge du mensonge. Celui ci est en effet décédé dans des circonstances étranges, les autorités parlent d'un suicide, mais cela pourrait être un meurtre.
Interrogées par Terradillas, quatre voix vont tour à tour dérouler le fil de la vie d’André Bellavicqua tel qu’elles s’en souviennent. Nous avons le témoignage de Manguel lui même, confident malgré lui, celui de la femme de Bellavicqua, amoureuse passionnée, le récit de l’écrivain cubain et ancien compagnon de cellule surnommé « le goret », et enfin les derniers mots d’un délateur haineux et jaloux.

Au travers de ces quatre récits, ce sont quatre hommes différents qui apparaissent. Sous le regard de l’amour ou de l’indifférence, la figure de l’écrivain se diversifie, tantôt fade ou passionnée.
Les apparences qu’on croyait acquises avec l’un se défont avec chaque nouveau narrateur. Une anecdote contée par l’un en cache d’autres, toujours plus différentes. Le personnage est aussi multiple que ses biographes du moment. Les narrateurs n’ont eux même de cesse d’interroger la part de vérité et de mensonge dans la littérature, dans les témoignages des autres, le rôle de l’imagination pure et sa responsabilité. Et pourtant ils inventent. Sous couvert de détenir la seule vérité, ils romancent des éléments du réel et décrivent chacun ce qu’ils ont cru voir ou tout simplement fantasmé chez André Bevillacqua.

Cohabitent dans le roman personnages du réel ayant appartenu au Madrid de Manguel, et d’autres de fiction. S’il s’agit bien d’un roman, le romancier a brouillé les pistes en redistribuant en permanence les rôles et les cartes selon les récits. Il a tout mélangé pour notre plus grand plaisir. Les figures mutantes et infiniment variables de ses personnages sont autant de ces « mensonges vrais » qui parcourent le récit du début à la fin, et en font un très bel hommage au roman et à ses processus circonvolutoires.

Ce roman, écrit en espagnol, langue maternelle de l’écrivain, est une nouvelle déclaration d’amour à la littérature offerte par Alberto Manguel, également auteur d’une Histoire de la lecture.

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