lundi 5 octobre 2009

La Reine des lectrices, Alan Bennett

Stupeur au palais de Windsor, la reine s’est mise à lire ! Cet acte à priori anodin ne l’est plus lorsque la lectrice n’est autre que Sa Majesté la reine Élisabeth II, et que les conséquences de cette passion tardive se répercutent sur l’ensemble du royaume. Alan Bennett est au moins aussi célèbre que la Reine outre-Manche où ses pièces de théâtre, ses séries télévisées et ses romans remportent un grand succès depuis plus de vingt ans.

Au détour d’une promenade avec ses chiens dans les jardins du palais, la reine Élisabeth II découvre par hasard un bibliobus. Elle y entre par curiosité, emprunte un livre par pure courtoisie, et là c’est le début de la fin. La reine devient une lectrice compulsive au grand dam de son entourage, négligeant progressivement ses obligations. Peut-on imaginer une Reine avec un grand « R » accuser un retard de deux minutes à une cérémonie officielle et publique, ou encore faire preuve de manque d’enthousiasme à l’occasion de l’inauguration d’une cantine scolaire ? Assurément non. Mais voilà, Sa Majesté voit désormais le monde différemment et ose l’inimaginable. Elle ne s’arrête pas là. Elle s’enhardit au fil de ses lectures et sa désinvolture atteint des sommets lorsque, faisant fi du protocole, elle porte la même paire de boucles d’oreilles à quelques semaines d’intervalle seulement. Le Duc de Windsor la surprend même en train de rire aux éclats, dans la plus grande intimité bien entendu. La reine est tout de même encore consciente de son rôle et ne dépasse pas certaines limites. Ses changements de comportement sont néanmoins inquiétants pour l’avenir du royaume. Le personnel et les conseillers de la couronne se posent de sérieuses questions sur sa santé mentale. Il faut agir vite avant qu’il ne soit trop tard, mais l’irréparable est peut-être déjà arrivé. Le diagnostic de sénilité est posé sans appel lorsque la reine ne se contente plus de lire. Elle écrit !

Ce livre est un exposé plutôt amusant sur le pouvoir de la lecture. Tout y passe : on lit d’abord pour le plaisir et non pour accumuler des connaissances ; il n’y a pas d’âge pour s’éprendre de lecture (la reine a quatre-vingts ans !) ; la lecture permet de s’ouvrir au monde et à soi-même ; lire rend libre, parfois même jusqu’à la subversion, etc. Une jolie balade à travers une pléthore d’auteurs est également proposée. Le lecteur peut se reconnaître facilement dans le personnage et le parcours de la reine. Elle commence à lire par hasard, sans orientation précise, et ses lectures s’affinent au fil du temps. Elle finit par apprécier des auteurs réputés difficiles d’accès.
Un petit roman léger et agréable qui se lit en quelques heures, au style simple et sans prétention. L’intrigue, peu crédible mais bien menée, conduit à une fin très surprenante. Il s'agit d'une farce, un conte contemporain avec une héroïne qui représente une institution mais pourrait très bien être apparentée à une « people ». Alan Bennett utilise un ingrédient facile et très populaire : une « personnalité » pour mener son intrigue. L’originalité, voire l’incongruité du choix de sa lectrice lui offre un bon prétexte pour une évocation gentiment satirique du protocole et de la monarchie, avec un humour pincé et un flegme « so british ». Certains passages sont très drôles, mais le traitement de l’ensemble est trop frileux et révérencieux. L’audace et la fantaisie ne sont pas poussées assez loin, ce qui laisse un goût d’inachevé.

La Reine des lectrices, Alan Bennett, roman traduit de l’anglais par Pierre Ménard. Denoël et d’ailleurs, 2009, 12€, 174p.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire