jeudi 8 octobre 2009

Guide de l’incendiaire des maisons d’écrivains en Nouvelle-Angleterre, de Brock Clarke, Éditions Albin Michel, 22 €

« Moi, Sam Pulsifer, je suis l’homme qui a accidentellement réduit en cendres la maison d’Emily Dickinson à Amherst, et qui ce faisant, a tué deux personnes, crime pour lequel j’ai passé dix ans en prison. Il suffira sans doute de dire qu’au panthéon des grandes et sinistres tragédies qui ont frappé le Massachusetts il y a les Kennedy, les sorcières de Salem, et puis il y a moi ».

Le Guide de l’incendiaire des maisons d’écrivains en Nouvelle-Angleterre mériterait le prix du titre le plus long et le plus original. Mais pas seulement. Car le livre que vous avez entre les mains est un véritable O.V.N.I. littéraire.

Brock Clarke met en scène Sam Pulsifer, un anti-héros attachant ,dans la grande tradition du naïf qui découvre le monde à ses dépens. Car notre jeune protagoniste apprend assez vite qu’il est un cafouilleur, c’est-à-dire, une personne sans volonté propre qui laisse la vie décider pour lui. C’est ainsi qu’il passera les dix années suivant sa sortie de prison. Après une rapide reconversion dans le packaging, il part vivre avec sa femme et ses enfants dans un lotissement bidon, baptisé Camelot, un cauchemar avec pelouse et maisons à bardeaux synthétiques qui le ravit.
Mais son univers s’effondre lorsqu’un jour Thomas Coleman, le fils des deux victimes de l’incendie vient réclamer vengeance. Car Sam Pulsifer a caché son passé d’incendiaire à sa famille et grand mal lui en a pris. Le fauteur de trouble profite de cette brèche, s’y insinue, et finalement Anne-Marie Pulsifer fini par chasser son mari du domicile familial. Ce dernier se réfugie chez ses parents qu’il n’a pas revus depuis sa sortie de prison et découvre le chaos que son arrestation a entraîné.

Commence alors la seconde partie du roman, celle de la recherche spirituelle sur fond d’enquête policière. Car parallèlement des maisons d’écrivains émérites flambent à toute volé dans la région. Après celle d’Emily Dickinson c’est au tour des habitations d’Edward Bellamy, Mark Twain et Robert Frost de partir en fumée. Accusé à tort notre héro décide de s’improviser détective pour faire éclore la vérité.
Vient alors une profonde réflexion, et c’est là tout le génie de l’auteur, sur la place des livres dans nos vies. À quoi servent-ils ? À s’évader, à rêver d’un monde différent, à se sentir moins seul ? Peuvent-ils nous rendre meilleurs ? Sans tomber dans la philosophie de comptoir Brock Clarke tente de trouver une réponse à ces questions au travers de portraits de personnages hétéroclites.
Au fil des pages nous rencontrons la mère de Sam, une ancienne professeur de lettres qui a fini par se débarrasser de tous ses livres, son père, éditeur, qui a fui son travail pour parcourir le monde, Lee Arders, professeur de littérature qui qualifie tous les auteurs de connards, le trader fou, ex-compagnon de cellule de Sam, qui écrit une fausse autobiographie, et bien sûr notre personnage principal, qui sous l’influence des histoires contées par sa mère a mis le feu accidentellement à la maison d’Emily Dickinson. Tous sont atteints d’un bovarysme aigu dont ils sont incapables de se débarrasser, car l’amour de la littérature est le plus fort.
Pourquoi tenons-nous à ce que les histoires que nous racontons, qu’on nous raconte, qu’on lit soient vraies ? Tout simplement car nous nous façonnons à travers d’elles, et qu’il est terrible de penser que ce fil conducteur soit irréel.

Au passage, l’auteur en profite pour jeter dans un brasier satirique  l'Amérique en quête de coupables, les banlieues pavillonnaires aseptisées, les cercles de lecture pour ménagères, les écrivains solennels, les traders qui écrivent leurs mémoires, les professeurs de littérature, les adultes prosternés devant Harry Potter, les hommes adultères et plus globalement la culture américaine.

Brock Clarke n’hésite pas à utiliser un ton corrosif pour sa farce sardonique. L’absurde est aussi présent, mais le livre n’en reste pas moins agréable à lire. L’on pourra regretter, au passage, une fin bâclée. Malgré ce petit bémol, l’engouement autour du Guide de l’incendiaire des maisons d’écrivains de Nouvelle-Angleterre est réel car il a déjà été publié dans dix pays et les droits d’adaptation viennent d’être cédés au cinéma. Affaire à suivre…




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