mercredi 23 novembre 2011

« J’ai beau réfléchir, je ne sais pas qui je suis ni qui j’aimerais être. » Le faire ou mourir, de Claire-Lise Marguier, Le Rouergue (2011)

C’est un livre tragique qu’annonce Claire-Lise Marguier avec son premier titre, Le faire ou mourir. Et pourtant, ce n’est pas le pathos qu’elle cherche à transmettre, comme il est si facile de le faire dès qu’on touche au sujet de l’adolescence. C’est un cri sourd et lancinant, celui de la révolte : contre la rigidité, les préjugés, l’exclusion et les barrières sentimentales. Un cri qui finit par nous percer les oreilles.

Damien grave son surnom à l’intérieur de ses cuisses avec une lame de rasoir : DAM 2 CARO. Le sang qui coule emporte avec lui le trop plein de ce qu’il ressent, en permanence, sans qu’il puisse le dire. Après s’être fait tabasser une fois de plus par la bande des « skateurs », il a rencontré Samy, jeune homme franc et décomplexé, vêtements noirs, maquillage sombre autour des yeux, piercings sur le visage. Pour la première fois de sa vie, il a senti qu’il existait, qu’on le considérait, qu’on l’appréciait. Alors que son père furieux tente de l’en empêcher, il se rapproche de Samy et de sa bande, adopte leur style et trouve dans leur affection un refuge. Mais l’affolement qui le gagne au fur et à mesure de son amour pour le jeune homme, la pression de son entourage, le rejet de sa famille le plongent dans une situation insupportable.

« Mourir ça me fout la trouille. J'ai juste envie de m'asseoir par terre dans le coin d'une pièce et de pleurer sur mon sort. Juste attendre que ça passe. Je voudrais être malade pour rester au lit, que tout le monde s'inquiète et s'occupe de moi. Comme un bébé. »

On étouffe avec lui dans cette vague de noirceur et de solitude. Enfin, quand Samy se rapproche de lui, cette fois là, dans sa chambre, Dam sait que tout peut basculer. Il faut choisir : le faire, ou mourir.

L’auteur nous montre d’abord le « mourir » : l’explosion, la violence, le massacre. Et on découvre, pour notre propre honte, à quel point c’est jubilatoire : après cette ascension de haine, le meurtre devient libération. Puis tout s’arrête. Flash-back, on rembobine. Et on se rend compte qu’en fait, ils l’ont « fait ». Et le dénouement heureux qui suit nous tire presque des larmes, à nous coupables d’avoir cru à la violence, d’avoir cru à ce qui aurait pu se passer si la haine avait gagné. Et elle n’en était pas loin.

Malgré un début presque répétitif, Claire-Lise Marguier excelle à nous faire bouillir intérieurement autant que son personnage, jusqu’à la prise de conscience que nous aussi, nous aurions pu choisir la haine. On sort de ce roman perturbé, essoufflé et coupable, touché par une telle justesse.

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