mercredi 21 septembre 2011

Le pacte des vierges - Vanessa Schneider – Éditions Stock

Un roman construit comme une interview qui flirte avec le texte documentaire. En effet, Vanessa Schneider est avant tout journaliste politique, auteure d’un essai et d’un film documentaire. Elle publie un premier roman, une autobiographie, en 2008, puis un second en 2009. Avec ce récit, elle mêle brillamment journalisme et quête émotionnelle.

Une auteure, mère de trois enfants décide de rencontrer quatre jeunes filles au cœur d’un fait-divers et de faire de leur histoire un roman. En 2008, une révélation scandalise l’Amérique, dix-sept lycéennes de la ville de Gloucester (35 000 habitants) dans le Massachusetts, toutes âgées de moins de seize ans, attendent un enfant. Grossesses accidentelles ou volontaires ? L’opinion publique s’offusque de la situation tout en créant le buzz autour de cette affaire, quitte à harceler et déstabiliser les futures mères.

Au cours du récit, notre auteure-journaliste ne prend jamais la parole, les propos des filles permettent cependant de deviner ses questions et réactions. L’affaire nous est donc dévoilée à travers les voix de Lana, Sue, Cindy, Kylie, qui se succèdent à chaque chapitre. Les jeunes filles assaillies par les journalistes pour parler de leur grossesse sont sceptiques, Lana, la meneuse du groupe accueille froidement l’auteure et filtre les informations transmises. L’existence d’un pacte est ainsi niée. Mais peu à peu le véritable intérêt humain de l’auteure pour cette affaire et surtout la détresse des futures mères ont raison de leur mutisme. Le lecteur reçoit ainsi les éléments au compte-gouttes, sans ordre chronologique, ni liens entre les différents éléments.

Au fil des pages le livre aborde une dimension plus psychologique, le fait divers est occulté pour plonger dans le quotidien de la grossesse moins agréable que ce à quoi les adolescentes s’attendaient (les nausées, les envies pressentes, la prise de poids importante). Les jeunes filles désormais en confiance avec l’auteure réfléchissent à leur situation, leur bébé tant désiré devient de plus en plus réel et les angoisses surgissent. Le passage rapide et presque violent du statut de fille à celui de mère est mis en avant, occultant ainsi celui de femme. Les blessures d’enfances éclaboussent l’auteure malgré elle, cette grossesse apparaît comme un but, un espoir, c’est une revanche, un moyen de ne pas lâcher la vie. Ces quatre jeunes filles nous apparaissent à la fois fortes et terriblement fragiles, elles livrent leur histoires, un père absent et une mère mutique pour Lana, Cindy abandonnée par sa mère, Sue nombril d’une famille puritaine et étouffante de bonne conscience teintée d’hypocrisie, Kylie affublée d’une mère enfant superficielle sur qui elle ne peut pas compter.

Le jugement que l’on peut porter sur ces jeunes filles se mue en compréhension au cours du récit, par ailleurs, Vanessa Schneider n’épargne pas sa profession : les médias apparaissent comme des vautours, en perte d’humanité, prêts à tout pour obtenir l’exclusivité.

Le modèle de santé américain, est également mis à mal, faute d’argent aucune des jeunes filles n’est suivie par un médecin. L’accent est mis sur une société hypocrite qui se veut un symbole de réussite et de bonne conscience mais se révèle parfois être un univers de détresse et de persécution. Loin d’être une incitation au pathos et à l’apitoiement, ce roman est le vecteur d’un message politique et social illustré par un cas réel. Mais c’est avant tout un livre sur le quotidien de tant de personnes qui échappent à une réussite standardisée sans perdre de leur humanité et de leur intérêt.

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