jeudi 19 janvier 2012

Zazie dans le métro, Raymond Queneau

« Paris n'est qu'un songe, Gabriel n'est qu'un rêve (charmant), Zazie le songe d'un rêve (ou d'un cauchemar), et toute cette histoire le songe d'un songe, le rêve d'un rêve, à peine plus qu'un délire tapé par un romancier idiot (oh ! Pardon). »

Le roman est comme Zazie : déroutant, déstabilisant par un récit qui avance sans progresser, n'en n'est pas moins dynamique, et ce grâce à des dialogues ou des narrations volontiers moqueuse. L'héroïne, la première à perdre sa route, ne rêve que d'un monument, le métro, cette destination qui ouvre à d'autres chemins plutôt que de se fermer sur un mur. Zazie ne verra pas ce moyen de transport, et pourtant ce thème ne constitue pas entièrement un prétexte, tant le va-et-vient entre les lieux dynamise un récit sans véritable intrigue.

La trame romanesque prend les allures d'une déambulation urbaine rythmée par des rencontres et des dialogues vifs, et offre ainsi une représentation iconoclaste de l'enfance, avec une gamine impulsive, arrogante, perturbant les adultes et leurs habitudes... Si elle focalise l'attention, la personnalité de Zazie ne résume pas le roman. Celui-ci traite notamment de la sexualité, sous différents angles : avec humour lorsque Zazie s'interroge sur « l'hormossessualité » de son oncle, mais aussi avec gravité lorsque sont évoqués les satyres, les tentatives de viol, le père au crâne fendu par une hache...

Et pourtant, sournoisement, l'aspect violent du texte se dissimule sous la drôlerie des réparties ironiques, le pittoresque des milieux interlopes et surtout la créativité du lexique, qu'en digne futur oulipien Queneau n'a pas manqué de mettre en œuvre. L'écrivain colore son style par divers procédés : gros mots, insultes, argot, mais aussi agglutinations (« Doukipudonktan »), faux synonymes (lunettes anti-solaires), déformations aurtôgraffiks (« bloudjinnzes »), mots rares (« billevesées »)...

Roman d'initiation ? Sans doute, mais alors non consenti. Lorsque Zazie arrive au terme de son séjour, elle conclut par une formule lapidaire : « J'ai vieilli. » Le lecteur, lui, y trouvera, au moins au cours de sa lecture, un oubli de son propre vieillissement.

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