jeudi 5 novembre 2009

Le club des incorrigibles optimistes, Jean-Michel Guennassia

Le club des incorrigibles optimistes mêle, au cœur des années 1960, deux réalités voisines. Jean-Michel Guenassia dépeint la vie quotidienne de Michel Marini, adolescent d’une quinzaine d’années, fan de rock’n’roll et photographe amateur, et dévoile par ailleurs une chronique sociale sur fond de guerre d’Algérie et de Rideau de Fer.
Lorsque ces deux mondes se croisent, Michel fait la connaissance de Sacha, Igor, Leonid, Pavel et les autres. Ces exilés, rescapés du communisme, n’ont d’autre point d’attache que l’arrière-salle d’un bistro de quartier, le Balto, le club d’échecs des incorrigibles optimistes.
Parmi ces hommes, passés à l’Ouest pour sauver leur peau, certains sont nostalgiques et rêvent d’un communisme mondial libéré des dictatures staliniennes, et d’autres sont partis sans se retourner, déçus par leurs patries et troquant leurs familles contre solitude et précarité. Ils ont renié tout ce en quoi ils croyaient par amour ou par lâcheté, et aujourd’hui se retrouvent seuls, sans rien d’autre que cette solidarité qui les lie entre eux.

Au fil du récit, le passé des exilés se mêle au présent de Michel qui, malgré le désordre ambiant, poursuit une scolarité médiocre, dévore des romans à une vitesse inouïe, tombe amoureux d’une fille qui lit en marchant, perd des proches dans des conflits qui le dépassent et apprend les subtilités du jeu d’échecs. Sartre et Kessel font parfois leur apparition dans ce club très fermé pour écrire ou jouer aux échecs, et l’atmosphère du récit change alors légèrement, comme pour les laisser travailler à leur génie créatif.

Tandis que son univers s’écroule, Michel découvre les méandres d’une vie politique compliquée, commentée autour d’échiquiers et de bouteilles de vodka à moitié pleines.

Ses parents se déchirent, son frère s’engage en Algérie, l’entreprise familiale court à la faillite… Michel se sent abandonné par son père, ignoré par sa mère, inutile face à certaines détresses insondables, mais il découvre que le cinéma aide à oublier, que Leonid est le meilleur joueur d’échecs de tous les temps, que ses difficultés en mathématiques sont peut-être dues à la numérologie, et que le rock n’est appréciable qu’à plein volume.

De ce roman, chronique d’une génération ancrée dans les guerres, se dégage une atmosphère feutrée et révolutionnaire, joviale et pleine d’illusions de jeunesse à jamais perdues, une atmosphère riche de l’optimisme de ceux qui n’ont plus rien à perdre.

Jean-Michel Guenassia nous transporte en un éclair, grâce à la fluidité de son écriture, de l’URSS des années 1940 au Paris populaire des années 1960. Il réussit avec brio à jongler entre les destinées complexes d’expatriés communistes et la quête d’identité de Michel, jeune garçon sans histoires, en le rendant indispensable à l'intrigue, faisant de lui l'unique lien entre deux mondes. Il n’est pas évident de résumer Le club des incorrigibles optimistes tant les informations historiques et narratives sont nombreuses et fouillées, tant le travail sur les personnages est profond. Les hommes et les femmes créés par Guenassia prennent vie à mesure de la lecture et deviennent attachants, indispensables.

Cette fresque très dense s’étalant sur plusieurs décennies enchaîne le lecteur à ses lignes par son souffle vivant et constamment renouvelé.

1 commentaire:

  1. dans ce livre très bien écrit une émotion surgit pour rappeler quelques souvenirs attendrissants de cette période.

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